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Le 13/10/2022
Voici quelques idées préconçues à propos de la barbe sur lesquelles je ne vais absolument pas m'appesantir tellement ça n’a aucun intérêt - hormis celui de rechercher du clic :
- la barbe ça fait sale (je nettoie la mienne chaque jour avec un shampoing dédié…),
- la barbe ça n’est pas présentable (vous auriez dû me voir à mon mariage…),
- la barbe ça fait peur (quelle mauvaise expérience avez-vous eu avec un barbu ?),
- la barbe c’est incompatible avec le travail (peignée elle passe très bien),
- la barbe ça prend du temps à entretenir (le temps est une donnée relative),
- la barbe ça n’attire pas (l’attirance ne se commande pas).
Ce qui est plus intéressant en revanche, c’est d’analyser les aspects plus sociaux, psycho et psycho évo !
Pour ce qui est de son rôle social, la barbe est essentiellement un élément fort d’inclusion, c'est-à-dire du désir d’appartenance à un groupe, à une communauté.
Si le groupe de référence auquel je souhaite appartenir et m’identifier se différencie par le port de la barbe, je vais vouloir également la porter pour être reconnu et intégré à ce groupe. Je vais personnifier ce groupe, j’en serai un digne représentant et mes valeurs seront alors visibles au premier coup d'œil.
Par exemple, les beatniks (seconde moitié des années 1960) étaient des jeunes anticonformistes qui s’opposaient au pouvoir bourgeois de l’époque et à la société de consommation. Le port de la barbe était un élément de révolte.
Un peu plus tard, les hippies (1970) qui s’opposaient également à la société de consommation, prônant la liberté des mœurs et la non-violence, portaient des barbes bien fournies. L’image de la marguerite dans la barbe s’impose à votre cerveau.
Je peux évoquer également la mode hipster qui reprend des codes vestimentaires des années 30/40, anticonformistes (a priori) également, les hipsters ont démocratisé sérieusement le port de la barbe sous toutes ses formes. Là où dans les années 90 la barbe était mal perçue, sournoise, l’adopter devient alors très tendance et c’est encore le cas aujourd’hui. C’est la cool attitude.
Enfin, le port de barbe concerne également les communautés religieuses. Quelque soit les religions, les différents styles de barbes portés donnent des indications sur la tendance adoptée. Si je suis simple sympathisant, ma barbe pourra être moins fournie que si j’étais rigoriste voire ultra conservateur.
Donc si nous raisonnons par rapport à l’impact que nous souhaitons avoir auprès des autres, d’un groupe, le port de barbe est un indicateur important et fiable d’inclusion et d’appartenance.
Maintenant, la barbe (fournie ou non) cache une bonne partie du visage et en particulier la bouche. La bouche est très importante pour communiquer des intentions, même si la personne ne parle pas. Elle s’étire, se crispe, ses lèvres rentrent dans la bouche, se mordillent, s’entrouvrent… Elle nous en dit long.
Porter la barbe sert à cacher au premier abord des intentions. Je dis au premier abord car pour les plus téméraires ou les plus curieux, l’obstacle de la barbe passé, l’échange peut s’avérer très fructueux, plaisant, amusant… la barbe sert à faire un tri a priori des personnes qui ne nous semblent sans intérêts.
Ainsi, la barbe sert à cacher une énergie psychologique que la personne qui la porte n’assume pas réellement mais qui représente une valeur importante ou au contraire qui souhaite l’amplifier.
Par exemple, si je suis une personne très timide mais que physiquement je suis athlétique, pour équilibrer mon état d’esprit et ce que mon corps renvoie comme image, la barbe peut être un bon moyen pour moi, une aide, pour me sentir plus assuré.
A contrario, si je suis doté d’un caractère assertif mais que je suis une personne physiquement frêle ou en surpoids, la barbe peut être un moyen pour me doter d’une image plus représentative de mon caractère.
Ce ne sont que des exemples et tous les cas sont imaginables bien entendu.
En psychologie évolutionniste, la barbe est un caractère sexuel secondaire jouant un rôle majeur dans la compétition sexuelle (intra et inter).
“La sélection sexuelle est reconnue pour opérer principalement de deux façons. D’une part, avec la sélection intersexuelle, les femelles et les mâles cherchent le partenaire aux attributs les plus attirants. Cet attribut peut être physique (la queue du paon) ou comportemental (les danses nuptiales).
Et d’autre part, la sélection intrasexuelle qui favorise une compétition entre les individus de même sexe. Ce sont par exemple les mâles qui vont se battre entre eux pour l’obtention d’une femelle. C’est aussi les hiérarchies de dominance qui s’établissent chez plusieurs espèces et qui donnent un accès prioritaire aux individus du sexe opposé.”
En conclusion, le port de la barbe est un outil d’aide pour améliorer, renforcer, notre posture, notre assurance, notre charisme, notre inclusion mais elle sert également à véhiculer des valeurs et à attirer la gente féminine (Capsule outil: La sélection sexuelle et la théorie de l’investissement parental (mcgill.ca).
Isolation sociale : théorie du commérage
Le 02/10/2022
Robin Dunbar, dans sa théorie du “gossip”, (psychologue évolutionniste, anthropologue - Oxford University) considère les commérages comme un instrument d'ordre social et de cohésion, comme le toilettage chez les primates (théorie du “gossip”).
Le toilettage n'est pas tant une question d'hygiène qu’une façon de maintenir et de renforcer les liens entre individus et d'influencer d'autres primates. Mais pour les premiers humains, le toilettage posait un problème : compte tenu de leurs grands groupes sociaux d'environ 150 personnes, cette tâche fut impossible.
Les recherches de Robin Dunbar suggèrent que les humains ont développé le langage pour servir le même objectif, mais beaucoup plus efficacement. Il semble qu'il n'y ait rien d'oisif dans le bavardage, qui maintient ensemble un groupe diversifié et dynamique - qu'il s'agisse de chasseurs-cueilleurs, de soldats ou de collègues de travail.
Selon la parution de Danilo Bzdok et Robin Dunbar du 2 juin 2020, © 2020 Elsevier Ltd. All rights reserved :
"Des bébés aux personnes âgées, l'intégration sociale dans les relations interpersonnelles est cruciale pour la survie. Une stimulation sociale insuffisante affecte les performances de raisonnement et de mémoire. Les sentiments de solitude peuvent provoquer une perception sociale biaisée négativement, augmentant la morbidité et la mortalité, provoquant dépression et renfermement sur soi.
Jamais auparavant nous n'avions connu un isolement social à une échelle aussi massive que celui que nous avons connu en réponse à la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). Cependant, nous savons que l'environnement social a un impact dramatique sur notre sentiment de satisfaction de vivre et de bien-être. En période de détresse, de crise ou de catastrophe, la résilience humaine dépend de la richesse et de la force des liens sociaux, ainsi que de l'engagement actif dans les groupes et les communautés. Au cours des dernières années, les preuves issues de diverses disciplines ont été très claires : l'isolement social perçu (c'est-à-dire la solitude) peut être la menace la plus puissante pour la survie et la longévité.
Les humains, comme tous les singes, sont intensément sociaux. La plupart d'entre nous trouvent la privation sociale stressante. L'isolement social, ou le manque d'opportunités d’interactions sociales, donne lieu à un sentiment de solitude qui peut avoir de multiples conséquences sur notre bien-être psychologique, notre santé physique et notre longévité. La solitude tue les gens.
En 2019, l'Organisation mondiale de la santé a déclaré que la solitude était un problème de santé majeur dans le monde. Dans de nombreuses villes métropolitaines du monde, plus de 50 % des personnes vivent déjà dans des ménages d'une seule personne. Le sentiment de solitude se propage d'une personne à l'autre par le biais des réseaux sociaux. Une fois seule, une personne peut se retrouver piégée dans un cycle psychologique descendant auquel il peut être difficile d'échapper. Ceci est en partie renforcé par une perception biaisée des signaux négatifs et de la menace sociale des autres, ou par l'attente d'être socialement exclu par les autres. Une vision du monde biaisée conduit à une escalade des taux de suicide, entre autres conséquences. Cette « impuissance sociale apprise » peut être dangereuse car, parmi toutes les espèces existantes, nous dépendons le plus longtemps des autres individus.
Une analyse longitudinale d'environ 6 500 hommes et femmes britanniques âgés de 50 à 59 ans a révélé que l'isolement social augmente le risque de mourir au cours de la prochaine décennie d'environ 25 %. L'analyse quantitative de près de ~400 000 couples mariés dans la base de données américaine Medicare a révélé que, pour les hommes, le décès de leur conjointe augmentait de 18 % leurs propres chances de mourir dans un avenir immédiat. Le décès du mari augmente à son tour le risque de décès de la femme de 16 %.
Les personnes qui appartiennent à plusieurs groupes sont moins susceptibles de connaître des épisodes de dépression. De tels résultats ont émergé de l'étude longitudinale britannique sur le vieillissement (ELSA) qui a dressé le profil à plusieurs reprises d'environ 5 000 personnes à partir de l'âge de 50 ans. Des recherches antérieures ont montré que les personnes déprimées réduisent leur risque de dépression ultérieurement de près d'un quart si elles rejoignent un groupe social tel qu'un club de sport, une église, un parti politique, un groupe de loisirs ou une association caritative. En effet, rejoindre trois groupes réduisait le risque de dépression de près des deux tiers.
Le fait que les amis puissent avoir des effets aussi dramatiques sur notre santé et notre bien-être peut nous amener à supposer que plus nous avons d'amis, mieux c'est. Cependant, le nombre d'amis et de relations familiales que nous pouvons gérer à un moment donné est limité par des contraintes cognitives à environ 150. Il existe cependant des variations individuelles considérables, et la taille des réseaux sociaux varie approximativement entre 100 et 250. Plusieurs facteurs assez classiques sont responsables de cette variation : l'âge (les jeunes ont généralement des réseaux sociaux plus étendus que les personnes plus âgées), le sexe (les femmes ont généralement des réseaux sociaux plus étendus que les hommes, bien que cela varie avec l'âge), la personnalité (les extravertis ont des réseaux sociaux plus étendus que les introvertis ; les femmes qui obtiennent un score élevé sur la personnalité de névrosisme dimension ont moins de connaissances que ceux qui obtiennent un score inférieur dans ce trait.
Les amitiés, cependant, nécessitent l'investissement d'un temps considérable pour se créer et se maintenir. La qualité émotionnelle d'une amitié dépend directement du temps investi dans un lien social donné. Une étude prospective a estimé qu'il faut environ 200 heures de contact en face à face sur une période de 3 mois pour transformer un étranger en un bon ami. À l'inverse, la qualité émotionnelle d'une relation décline rapidement si les taux de contact tombent en dessous de ceux appropriés à la qualité de la relation.
Les ressources en temps sont cependant naturellement limitées : nous ne consacrons qu'environ 20 % de notre journée aux interactions sociales directes (hors interactions professionnelles), ce qui équivaut à environ 3,5 h par jour. Étant donné que nos relations n'ont pas toutes la même valeur pour nous (les amis remplissent une variété de fonctions différentes), nous répartissons notre temps précieux sur notre réseau social de manière à maximiser les différents avantages que les amis de qualité différente fournissent. Cette dynamique se traduit par une empreinte sociale spécifique qui est propre à chacun de nous.
Néanmoins, il existe des schémas globalement cohérents : une part de 40 % de notre temps est consacrée à nos cinq amis et à notre famille les plus proches, et 20 % supplémentaires aux 10 personnes les plus proches suivantes. En d'autres termes, 60 % des 3,5 heures que nous passons par jour en interaction sociale sont consacrées à seulement 15 personnes. Les partenaires sociaux des couches les plus externes du réseau social ne reçoivent chacun en moyenne que 30s de notre temps par jour.
Cela donne lieu à une superposition de couches très distinctives de nos réseaux sociaux : une petite paryie d' amis les plus proches, peu nombreux (généralement 5 personnes) mais les plus actifs et une partie avec les plus éloignés (~150), très grande mais moins intimes. C'est ce cercle restreint de 5 amis les plus proches (qui peut être de la famille) qui semble le plus important en termes de modération de la solitude et de la maladie."
Les processus socio-affectifs en présence des autres prennent une forme différente qu'en leur absence physique. Déjà dans une crèche, si un bébé se met à pleurer, d'autres bébés à proximité entendent le signal de détresse et se mettent généralement aussi à pleurer par simple contagion émotionnelle. En plus des énoncés et de la prosodie, les humains ont tendance à aligner leur communication les uns sur les autres en imitant le vocabulaire, la grammaire, les mimiques et les gestes. Par exemple, les humains ont tendance à synchroniser inconsciemment leurs expressions faciales même avec des personnes qui dirigent leur regard vers quelqu'un d'autre.
Lire les visages des autres peut être un moyen conservé au cours de l'évolution pour échanger des informations essentielles qui ont co évolué avec la machinerie de décodage correspondante dans les réponses cérébrales et comportementales. Les visages offrent beaucoup d'informations sociales sur le sexe, l'âge, l'ethnie et les expressions émotionnelles d'un individu, et potentiellement sur ses intentions et son état mental. Tout au long du développement, l'apprentissage et la maturation dépendent de l'attention conjointe de deux individus sur le même objet. De tels processus de mentalisation et de regard oculaire ont été liés à plusieurs reprises aux circuits de récompense associatifs. Certains auteurs soutiennent même que l'importance de ces facettes de l'échange interpersonnel peut expliquer pourquoi les humains ont développé une sclère large et blanche dans les yeux - qui sont plus facilement visibles que chez la plupart des animaux. Ce qui peut conduire à une plus grande vulnérabilité aux prédateurs pour certaines espèces (en rendant l'individu et ses intentions plus apparents et donc exploitables) et peut avoir stimulé l'apprentissage et la coopération chez les primates humains.
Lien : The Neurobiology of Social Distance: Trends in Cognitive Sciences (cell.com)
DOI : https://doi.org/10.1016/j.tics.2020.05.016
La pyramide de l'esprit critique
Le 19/09/2022
A plus d’un titre, il est intéressant d’identifier le profil d’une personne, de savoir comment elle fonctionne. Est-elle active ? Est-elle réfléchie ? A-t-elle confiance en elle ? Est-t-elle créative, sociale, dominante ou analytique ? Quelles sont ses forces et ses limites et ainsi ajuster sa communication et faire en sorte que la personne puisse donner le meilleur d’elle-même que ce soit en individuel ou au sein d’une équipe.
Identifier comment une personne fonctionne cognitivement peut permettre également de connaître son degré de compétence en termes d’esprit critique.
Pour le Larousse, l’esprit critique se définit comme étant une méthode qui a pour objet de discerner les qualités et les défauts d’une œuvre, la valeur, l’exactitude ou l’authenticité d’un texte, d’une déclaration, d’un fait, etc…
Avoir cette compétence permet de s’extraire de tous les complots faciles, d’être factuel, pragmatique et de ne pas être dans la réaction. A coup sûr, notre décision est biaisée par nos croyances, nos projections et encore plus par les innombrables biais cognitifs qui existent.
Pour y voir plus clair, John A. List (Université de Chicago et économiste américain spécialiste d’économie expérimentale, chercheur associé au National Bureau of Economic Research) a créé une classification très simple mais logique inspirée de la pyramide de Maslow.
Cette classification aide clairement à structurer notre analyse et la voici :
Au 4ème degré, le plus abouti, les grands penseurs : des penseurs de haut niveau qui comprennent et corrigent leurs propres préjugés et lacunes ainsi que ceux des autres ; l’égocentrisme est complètement mis à l’écart et ils ont une théorie de l’esprit supérieure ; ils réexaminent constamment les hypothèses de pensées et de méthodes pour détecter les faiblesses de la logique ou les préjugés ; ils ne se soucient pas et ils apprécient même la confrontation intellectuelle parce qu’ils sont leur pire critique.
Au 3ème degré, les penseurs habiles : ils commencent à remettre en question de manière critique ; ils comprennent que leur propre pensée a des angles morts et développent des compétences pour y remédier ; ils mettent la plupart de l’égocentrisme sur la touche ; ils comprennent la causalité et divers biais cognitifs et essayent de les éviter ; comprennent la théorie de l’esprit mais ils font quelques erreurs dans son application et ils cherchent à améliorer leur propre théorie de l’esprit.
Au 2nd degré, les penseurs néophytes : ils comprennent l’importance de la pensée mais ils remettent en question les incohérences les plus évidentes ; ils commencent à apprécier la valeur de l’empirisme mais confondent souvent corrélation et causalité ; ils restent largement égocentriques, sujets à divers biais de recherche et de pensée, ils ont peu ou pas de théorie de l’esprit.
Au 1er degré, les penseurs modal : ils font des choix et ils ont des opinions basés sur des idées préconçues, des préjugés, non basés sur la raison ou des faits. Les préjugés et leurs croyances imprègnent leurs recherches (biais du statu quo, biais de confirmation…) car ils acceptent volontiers ce qui est conforme à leurs idées fausses sans poser de questions.
Mais comment passer d’un état mental à un autre ? Pour certain(e) ça ne se fera jamais parce qu’il faut une bonne dose de remise en question et avoir un ego bien placé.
Pour les autres, il est nécessaire de procéder de manière “scientifique”.
Kahneman décrit dans son livre “Thinking fast and slow” l’importance de prendre le temps de penser. Nous évitons ainsi les nombreux biais cognitifs qui se glissent dans nos prises de décisions.
John A. List a créé une formation dans laquelle il a listé 6 principes de bases à appliquer pour privilégier une pensée plus efficiente. Il dispense ces principes à ses étudiants afin qu’ils développent leur esprit critique :
- Énoncer, expliquer et clarifier la ou les questions,
- Réfléchir à la ou aux questions à partir de plusieurs points de vue, en exprimant leurs propres a priori et en utilisant la pensée logique,
- Rassembler, organiser, assimiler des informations et des données,
- Identifier les hypothèses, les lacunes et les implications du processus de génération de données,
- Mettre à jour les priorités et considérer comment les différents points de vue des autres pourraient changer,
- Expliquer et appliquer ce qu’ils apprennent, en reliant ce qu’ils viennent d’apprendre à d’autres concepts et/ou à leur vie quotidienne.
Pour info, la théorie de l’esprit est la capacité cognitive qui permet de se représenter les états mentaux d’autres personnes et d’utiliser ces représentations afin d’expliquer ou de prédire leurs comportements. L’émotion n’entre pas en jeu, sinon ce serait de l’empathie.
Source : “Enhancing Critical Thinking Skill Formation : Getting Fast Thinkers to Slow Down”, John A. List, 2021.
Jeffrey Dahmer : la recherche pathologique de contrôle
Le 19/08/2022
Jeffrey Dahmer - "le cannibale de Milwaukee" - est l’un des pires serial killers de l’histoire des États-Unis. Il a avoué avoir assassiné 17 jeunes hommes entre 1978 et 1991. Arrêté en 1991, puis condamné à 957 ans de prison, Dahmer a été assassiné dans sa cellule en 1994.
Issu d’une famille bourgeoise, évoluant dans un environnement aseptisé, Dahmer a déménagé à sept ans pour la ville de Bath Township (Ohio). Sa mère était névrosée et toujours énervée. Son père était pharmacien et passait beaucoup de temps à son travail. Aucun d’entre eux ne s’occupaient réellement de lui, ce qui l’a poussé à avoir des jeux solitaires et des “amis imaginaires”. Ses camarades d’école avaient peur de lui.
C’était un élève intelligent, brillant mais il agissait de façon impulsive. Vers l’âge de huit, la peur des autres et le manque de confiance en lui ont commencé à le perturber suffisamment pour qu’il ne veuille plus aller à l’école. Vers l’âge de 10 ans, son intérêt se porte sur les animaux morts. A 13 ans, il découvre son homosexualité. Sa vie fantasmatique se développe, s’enrichit et prend une tournure pathologique. Dahmer avait un frère plus jeune que lui, David, qui fut l’enjeu du divorce de ses parents, chacun s’en disputant la garde sans se préoccuper de Jeffrey (1978). Sa mère quitta le foyer avec David.
Dahmer a fait face à plusieurs situations potentiellement traumatisantes dans son enfance. L’une d’elles a été son opération d’une double hernie, alors qu’il avait 4 ans. Il était terrifié que son pénis ait été sectionné.
Jeffrey Dahmer : “(...) I wanted to have the person under my complete control.”
Dans cette interview, Dahmer évoque sa volonté de contrôle total sur l’autre. Au moment où il dit cela, il effectue un retrait de sa tête comme pour l’éloigner de ses propres propos. Ce geste traduit une volonté qu’il sait ne pouvoir satisfaire, qui lui échappe, donc qui est hors de contrôle et qui est du ressort psychologique de la pulsion.
Il y a trois principes à la pulsion : un principe de recherche de plaisir (et donc évitement de déplaisir) alors que ce plaisir est toujours satisfait dans le ventre de la mère. Un principe de réalité qui nécessite de s’ajuster au monde extérieur. Il s’agit donc de satisfaire cette pulsion par des voies détournées. Enfin, un principe de constance dans le sens où l’appareil psychique réduit toute excitation au seuil minima (homéostasie), ce qui entraîne par conséquent un passage à l’acte quel qu’il soit. Ce passage à l’acte est ainsi une décharge d’énergie qui va faire baisser la tension psychologique qui vient de l’intérieur de notre organisme (excitation endogène).
L’interviewer : “d’où vient ce besoin de contrôle ?”
Jeffrey Dahmer : “je sentais n’avoir aucun contrôle quand j’étais enfant ou adolescent et ça s’est mélangé à ma sexualité et j’ai fini par faire ce que je faisais, c’était ma façon de me sentir en contrôle total, au moins dans ce cas-là, en créant mon propre monde dans lequel j’avais le dernier mot.”
Cette réponse illustre parfaitement son besoin irrépressible du passage à l’acte, sa motivation. Il aurait pu faire du sport qui, par la technicité nécessaire le mette en confiance et ainsi lui faire apprécier qu’il pouvait avoir un contrôle sur un acte. Cependant, Dahmer n’a pas bénéficié d’une attention sécurisante de la part de ses parents, sa mère en particulier à qui revient en tout premier lieu la mise en sécurité et le réconfort de l’enfant.
Au cours de l’interview, Dahmer évoque à plusieurs reprises ce désir de contrôle et systématiquement, ses propos se terminent par une bouche en huître. C'est-à-dire que ses lèvres sont rentrées dans sa bouche illustrant une volonté de garder ses propos pour lui.
Cette bouche en huître et la façon dont son regard se défocalise consciemment de la relation, c’est-à-dire qu’il y a une rupture volontaire du lien avec l’autre, montrent qu’il se replonge dans ses souvenirs, dans ses actes et qu’il trie/choisit ses mots parce qu’il en a conscience.
0:15 - Bouche en huître lorsqu’il évoque son premier meurtre en 1978 : “j’ai eu l’impression de contrôler ma vie.”
0:33 - Position du buste sur la chaise dans une position de fuite (buste en arrière et penché sur sa gauche). Dahmer fait encore une bouche en huître à l’évocation de son second meurtre en 1984.
2:13 - Dahmer se mord la lèvre inférieure après avoir dit “j’avais l’impression que c’était incontrôlable.”
2:50 - “(...) Leur ethnie n’avait aucune importance, seule leur beauté comptait” dit-il en terminant à nouveau par une bouche en huître.
Lors de l’interview, Dahmer s’exprime essentiellement de sa main gauche, ce qui traduit une certaine spontanéité, une réactivité qui confirme qu’il ne sait pas se contrôler :
0:41 - Dahmer s’exprime avec sa main gauche tandis que sa main droite est simplement posée sur son genou, tenant un gobelet.
1:38 - Micro démangeaison avec son pouce gauche qui vient gratter sa narine droite. Le bras gauche vient donc en travers de son corps, c’est une forme de protection inconsciente. Le fait qu’il ait cette micro démangeaison montre que quelque chose le gêne soit chez son interviewer, soit dans le fait qu’il doive aborder certains évènements et ainsi se dévoiler.
2:23 - Sa main gauche s’active lorsqu’il évoque la place du sexe dans ses passages à l’acte. Ses doigts sont tendus, dressés, bien écartés les uns des autres. Il y a une certaine tension dans ce geste, une tension qui peut aussi s’apparenter à de l’excitation.
Immaturité sexuelle, sexualité perverse, frustration, passivité, la solitude, la peur de ne pas être acceptée par un monde hostile et un mélange de détachement émotionnel sont rencontrés dans la psychopathologie de la personnalité d'un tueur en série.
Souvent, comme dans le cas de Jeffrey Dahmer, son ambivalence quant à sa propre sexualité confuse et ses sentiments de rejet provoquent un comportement sexuel sadique, compulsif et destructeur de l'objet de son attention pseudo-sexuelle, la source détestable de son attirance et de son besoin de pouvoir et de contrôle.
Jeffrey Dahmer était un solitaire dans son enfance, grandissant dans une famille «dysfonctionnelle » en raison de fréquentes disputes entre sa mère et son père conduisant à
sentiments hostiles envers eux. Une mère névrosée et déprimée et un père souvent absent, absorbé par sa carrière, ne lui permettait pas d’identification masculine complète.
Son comportement destructeur et ses souvenirs fétichistes sont l'expression évidente de sa profonde ambivalence vis-à-vis de son propre homosexualité et de sa profonde hostilité/amour mêlés envers les objets de son intérêt. Indépendamment de ses sentiments d'amour exprimés pour elles, ses victimes n'étaient pas traitées comme des personnes mais comme des objets. Il en disposait comme un enfant le fait avec ses jouets, en les démontant pour voir comment ils sont faits mais également pour montrer qui avait le pouvoir, le contrôle de la situation.
Un ultime acte d'affirmation destructrice !
Liens :
(1) Jeffrey Dhamer Interview sous titres FR - YouTube
Jeffrey Dahmer - TUEURS EN SERIE.org
Jeffrey Dahmer: Psychopathy and Neglect (regis.edu)
Destructive Hostility: The Jeffrey Dahmer Case: A Psychiatric and Forensic Study of a Serial Killer (marquette.edu)
Le port du masque et la lecture des émotions
Le 11/08/2022
Le port de masques faciaux a été l'un des moyens essentiels pour prévenir la transmission du COVID. Il est évident que ça a affecté nos interactions sociales que ce soit dans le cercle privé, public et professionnel. Tout comme il a affecté les enfants qui ont eu du mal à lire les émotions sur le visage de leurs parents.
Nos visages fournissent des informations clés de notre identité, des informations socialement importantes comme la fiabilité, l'attractivité, l'âge et le sexe, des informations qui soutiennent la compréhension du discours, ainsi que des informations détaillées qui permettent de lire l'état émotionnel de l'autre via l'analyse de l'expression. La qualification des émotions par la lecture des expressions faciales est prépondérante pour pouvoir ajuster sa communication. C’est particulièrement vrai en entretien de recrutement en face à face, pire en visio, tout comme c’était le cas en réunion d’équipe où chacun doit redoubler d’attention et de concentration afin de ne pas faire de mauvaises interprétations.
Des chercheurs de l’Université de Bamberg (Allemagne) ont mené une expérience pour tester l'impact des masques faciaux sur la lisibilité des émotions. Les participants (N=41, calculé par un test de puissance a priori ; échantillon aléatoire ; personnes en bonne santé d'âges différents, 18-87 ans) ont évalué les expressions émotionnelles affichées par 12 visages différents. Chaque visage a été présenté au hasard avec six expressions différentes (en colère, dégoûté, craintif, heureux, neutre et triste) tout en étant entièrement visible ou partiellement couvert par un masque facial. Les résultats ont fait ressortir une précision moindre et une confiance moindre dans sa propre évaluation des émotions affichées.
La lecture émotionnelle était rendue très compliquée à cause de la présence du masque. Les chercheurs ont en outre identifié des schémas de confusion spécifiques, principalement dans le cas de l’expression du dégoût, de la colère, de la tristesse à l’exception des visages craintifs ou neutres.
Déjà que nous ne sommes pas forcément très bons pour qualifier correctement les émotions…
“En ce qui concerne l'analyse de l'expression, différentes études ont montré que nous sommes loin d'être parfaits dans l'évaluation de l'état émotionnel de notre vis-à-vis. C'est particulièrement le cas lorsque nous nous appuyons uniquement sur des informations faciales pures sans connaître le contexte d'une scène. Un autre facteur qui diminue notre performance à lire correctement les émotions des visages est la vue statique sur les visages sans aucune information sur la progression dynamique de l'expression vue ou une occlusion partielle du visage.”
Mais alors quelles actions compensatoires peuvent maintenir l'interaction sociale efficace (par exemple, le langage corporel, les gestes et la communication verbale), même lorsque les informations visuelles pertinentes sont considérablement réduites ?
C’est oublier un peu vite que nous disposons d’autres options tout à fait efficaces, comme observer le langage corporel… la personne a-t-elle recours inconsciemment à des micro démangeaisons, sur quelle zone ? La posture, les épaules sont-elles voûtées, tombantes, l’une plus haute que l’autre ? Le ton de la voix, l’inclinaison de la tête, vers la droite qui trahirait une certaine rigidité dans l’écoute, vers la gauche qui indiquerait une certaine confiance ? La gestuelle des mains qui accompagne le discours est-elle ample, contenue au niveau du tronc, inexistante, rigide, souple ? Est-ce que les mains tiennent un stylo, sont-elles posées sur la table, se raccrochent-elles à la table ?
Tous ces marqueurs gestuels (mi)-conscients permettent de qualifier l’état émotionnel de la personne. Votre expérience et la connaissance du contexte viendront valider votre analyse.
Frontiers | Wearing Face Masks Strongly Confuses Counterparts in Reading Emotions (frontiersin.org)
Bruce, V., and Young, A. (1986). Understanding face recognition. Br. J. Psychol. 77, 305–327. doi: 10.1111/j.2044-8295.1986.tb02199.x
Derntl, B., Seidel, E. M., Kainz, E., and Carbon, C. C. (2009). Recognition of emotional expressions is affected by inversion and presentation time. Perception 38, 1849–1862. doi: 10.1068/P6448
Aviezer, H., Hassin, R. R., Ryan, J., Grady, C., Susskind, J., Anderson, A., et al. (2008). Angry, disgusted, or afraid? Studies on the malleability of emotion perception. Psychol. Sci. 19, 724–732. doi: 10.1111/j.1467-9280.2008.02148.x
Bassili, J. N. (1979). Emotion recognition: the role of facial movement and the relative importance of upper and lower areas of the face. J. Pers. Soc. Psychol. 37, 2049–2058. doi: 10.1037/0022-3514.37.11.2049
Blais, C., Roy, C., Fiset, D., Arguin, M., and Gosselin, F. (2012). The eyes are not the window to basic emotions. Neuropsychologia 50, 2830–2838. doi: 10.1016/j.neuropsychologia.2012.08.010
Blais, C., Fiset, D., Roy, C., Saumure Régimbald, C., and Gosselin, F. (2017). Eye fixation patterns for categorizing static and dynamic facial expressions. Emotion 17, 1107–1119. doi: 10.1037/emo0000283
Do Masks Impair Children's Social and Emotional Development? | Psychology Today
Pourquoi les femmes sont-elles sous-représentées dans les actes de violence ?
Le 08/08/2022
Sur toutes les images échangées sur les réseaux sociaux, la télévision, les médias en général, un grand nombre concerne des actes de violences. Pas un jour sans une attaque au couteau, attaque en bande organisée, attaque d’un individu contre un autre, manifestation qui dégénère… à y regarder de plus près, ce sont majoritairement des hommes qui sont impliqués, peu voire pas de femme.
Alors pourquoi les femmes sont-elles sous-représentées dans des actes de violence ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de se pencher sur nos cousins les chimpanzés, les singes araignées et les bonobos.
Globalement, nous apprenons que ces attaques sont toujours perpétrées contre des personnes vulnérables. Si si, un cordon de CRS en statique avec pour ordre de ne pas charger peut être considéré comme vulnérable. Seulement, pour nos cousins les singes, la motivation n’est pas d’ordre idéologique mais plutôt une compétition sexuelle ou intraspécifique de dominance. Il s’agit plutôt d’explorer d’autres territoires en quête de nourriture ou d’aller tester sa capacité de combattant contre des étrangers - tout comme le font un grand nombre de mineurs étrangers qui sont tout sauf mineurs ou encore les zonards de certaines cités.
Exactement comme nos cousins les singes donc, ces raids violents apparaissent très préparés, très coordonnés avec une stratégie qui semble avoir été réfléchie au préalable. Le parallèle peut se poursuivre dans la mesure où nous vivons tous socialement de la même façon, avec la même organisation en groupes sociaux qui constituent de plus grands groupes. Cette organisation permet à plusieurs mâles de groupes différents de faire campagne ensemble contre un autre groupe de congénères.
Très rarement des femmes se joignent à eux. En France, le taux de féminisation est de 11,2% pour l’armée de Terre, 15,8% pour la Marine, 23,2% pour l’Air et l’Espace et 19% pour la gendarmerie (selon le Rapport Social Unique, 2021). En 2016, elles représentaient 8% de tous les Marines enrôlés actifs (selon Wikipédia), l’armée russe 6,5% en 2016 (selon OPEX360). Ces données ne rapportent pas le taux de femmes qui prennent part directement aux combats. Pour les espèces dont les parents investissent dans leur progéniture, celui qui y contribue le plus sera celui qui aurait le plus à perdre s’il devait se blesser ou mourir lors d’un de ces raids (stratégies r et K). Et bingo, ce rôle tenu dans l’investissement parental, dans le but de transmission des gènes et du microbiome, c’est la femelle qui s’y colle ! Et pour couronner le tout, ces raids violents arrivent après une longue période d’inactivité sexuelle. Il ne faut surtout pas minimiser le rôle fort des femmes dans le maintien de l’ordre social, chez les bonobos, elles sont même co-dominantes. Les femelles ont le statut social le plus élevé du groupe grâce à l’association et la coalition entre femelles. Ce sont les femelles qui initient les interactions sexuelles, les bonobos ne montrent rien de comparable à la forte dominance avec soumission imposée par la violence qui caractérise les chimpanzés (et certains mâles humains ?).
Le paradoxe norvérgien ! Selon P. Gouillou, “Harald Eia avait réalisé un superbe documentaire pour présenter les différentes approches pour expliquer pourquoi plus d’égalité (en droit) des sexes entraîne plus de différences sexuelles en comportement. (...) Au travers de l’interview de nombreux chercheurs connus, (il) avait montré qu’on y retrouve le résultat d’une interaction entre le biologique et le culturel : quand chaque sexe est socialement plus libre de faire ce qu’il lui plaît, il aura plus tendance à s’orienter vers ce qui correspond à son orientation biologique”.
Sources :
Latest news from the bonobos: Pan paniscus myths and realities (openedition.org)
Les stéréotypes de genre peuvent expliquer le paradoxe de l’égalité des sexes | CNRS
(PDF) Raiding parties of male spider monkeys: Insights into human warfare? (researchgate.net)
Edward O. Wilson, “la sociobiologie”
Familicide : le cas David Bain
Le 08/07/2022
L’histoire se passe à Dunedin, en Nouvelle Zélande. Lundi 20 juin 1994, David Bain, 22 ans, appelle la police pour signaler que toute sa famille a été tuée. Son père, sa mère, ses 2 sœurs et son frère.
C’est avec le fusil - muni d’un silencieux - de David que son père a été retrouvé mort. Il se serait tiré une balle dans la tête après avoir exécuté sa femme et ses 3 enfants. Le message suivant a été retrouvé écrit sur l’ordinateur de la famille, à l’attention de son fils David : “désolé, toi seul méritait de rester.”
Selon l’enquête, le couple battait sévèrement de l’aile. La mère, ancienne prof de musique, était sans emploi, narcissique et versait dans l’occultisme pour lequel elle faisait du prosélytisme aussi bien à ses enfants qu’à ses amies. Le père était enseignant et Directeur d’école élémentaire, dépressif et incestueux avec sa fille Laniet.
David, quant à lui, est décrit comme un jeune homme timide, renfermé, sans ami mais aussi très contrôlant.
Après être partie s’installer en Papouasie pendant des années, la famille est retournée vivre à Dunedin dans leur vaste maison délabrée, dans le jardin de laquelle se trouve une caravane. A tour de rôle, pour ne pas se croiser, le père et la mère s’y réfugient alternativement.
Les enfants n’ont pas été scolarisés. La mère faisait l’école à la maison mais le niveau des enfants était tellement catastrophique qu’ils ont dû être scolarisés urgemment. Mais pour David, 9 ans, il était déjà trop tard. Il fut la risée des autres, et il avait développé une personnalité complexe. Analphabète de surcroît, il avait adhéré aux croyances de sa mère et il était d’une capacité intellectuelle limitée. C’est certainement celui qui avait le plus besoin de sa mère, de son soutien et de tout son amour. Sauf que les parents se montrèrent incapables d’élever leurs enfants. Pour autant, David n’avait pas de maladie mentale.
Lorsque David est rentré de sa tournée de livraison de journaux, il a trouvé son père allongé face contre terre avec un fusil près de lui. Tout semble faire croire à un suicide. Mais selon le rapport balistique, l’angle de tir et la longueur seraient incompatibles avec un suicide.
Le père est dès lors mis hors de cause et c’est donc David, seul rescapé de la famille, qui va être arrêté, inculpé et incarcéré à perpétuité. Il a contre lui 20 minutes de temps manquant entre le moment où il découvre le massacre et le moment où il prévient la police. Ses justifications ne sont pas convaincantes, un verre de ses lunettes est retrouvé dans la pièce où son frère est mort, enfin, son visage est tuméfié et ses mains portent les stigmates d’une lutte, tout comme son frère qui semble s’être battu avant de mourir.
L’affaire va connaître un tournant lorsqu’un ancien rugbyman reconverti en homme d’affaires va saisir le Privy Council de Nouvelle Zélande pour demander la révision du procès. Suite à cette nouvelle enquête et plusieurs témoignages, la défense va réussir à immiscer le doute de la culpabilité de David Bain. Il sera finalement déclaré non coupable.
A ce jour, 2 théories s’opposent. La première est que le père serait le meurtrier parce que suite à sa dépression sévère, il aurait perdu tout contact avec la réalité et aurait eu de plus en plus un comportement désorganisé. De plus, il avait publié dans le bulletin de l’école des histoires graphiques inapropriées de violences et de meurtres commis par ses élèves de 9 ans, dont l’une racontait le meurtre de toute une famille. Enfin, la famille était chrétienne et le père était incestueux. Sa fille avait commencé à en parler à la communauté. La seconde est le fils David pour lequel le mobile n’a pas été établi.
Lorsqu’un foyer n’est pas équilibré, conflictuel voire malsain, que la nature des relations entre les membres du foyer est perverse, que la mère est insécure et que le père ne joue pas son rôle pour poser les limites, alors l’enfant qui est le plus fragile émotionnellement, qui ne trouve pas d’autres figures structurantes, n’aura aucune capacité de résilience. Cependant, si l’enfant s'investit émotionnellement dans une activité qui le passionne, alors il y aura résilience et donc pas de motif de céder à la violence, hormis si un élément extérieur viendrait lui faire revivre un acte traumatique, ce qui serait un élément déclencheur. En situation de stress aigu, un élément extérieur agira telle une étincelle et mettra le feu aux poudres.
Il ne faut pas perdre de vue que David n’a aucun mobile établi, que le verre de lunette retrouvé dans la chambre de son frère était couvert de poussière et que les 2 seuls éléments à charge sont les 20 minutes “perdues” et son visage et ses mains qui portent les traces d’une lutte.
Ce que les statistiques nous apprennent, c’est que les “familicides” sont un crime hautement sexiste et que dans 95% des cas, c’est le père qui le commet, le fils dans seulement 1% des cas. Appeler un acte de violence sexiste ne revient pas simplement à suggérer qu’il s’agit de violence masculine à l’égard des femmes, même si c’est souvent le cas. C’est la violence qui est motivée de manière centrale par les dimensions sociales et structurelles du genre.
Dans les 1% des cas où le fils est le meurtrier, il s’avère qu’il a toujours été soit maltraité, soit il souffrait de troubles mentaux graves.
Un des facteurs clé des familicides est le fait que le partenaire quitte ou communique son intention de quitter l’autre. Le passage à l’acte n’est pas toujours précédé de violences ni même que des violences aient déjà été commises. Le désir et le sentiment d’avoir à contrôler les finances et l’unité familiale est un dénominateur commun. Le passage à l’acte intervient lors d’une perte de contrôle en spirale sur ces thèmes, en particulier par le “chef de famille”. Dès lors que celui-ci ne peut plus exercer son “sur-contrôle” (sur la façon de s’habiller, sur les relations sociales, sur les finances, sur la communication, and so on…), le passage à l’acte est probable.
Il existe des signes avant-coureur de familicide-suicide après séparation, cependant, ils ne sont pas reconnus ni par la victime, ni par le cercle proche des relations : antécédents de violences infantiles, niveau et dysqualité d’attachements des adultes, niveau de narcissisme.
Il existe a priori 2 types de meurtriers “familicide” : celui pour lequel le passage à l’acte est un acte de vengeance, une punition et celui pour lequel il s’agit d’un acte désespéré, un acte de libération pour sa famille et lui, soit un homicide-suicide altruiste.
Ces derniers représentent entre 0,20 et 0,30 pour 100 000 habitants. Dans la plupart des cas, l’auteur est un homme (85% à 90% des cas), plus âgé que ses victimes, des éléments dépressifs et paranoïaques sont souvent présents et le moyen utilisé est une arme à feu (88% des cas, 1983 N. H. Allen). Le lieu du passage à l’acte se trouve le plus souvent être le domicile de la victime ou de l’auteur et dans la chambre.
Voilà, je pose ça là, je n’arrive pas à la même conclusion que McSkyz, je vous laisse à votre réflexion…
Liens pour aller plus loin :
(1) 22 ANS et ACCUSÉ du SORDIDE MASSACRE de sa FAMILLE : Le cas David Bain (#HVF) - YouTube
A case that divides the nation (stuff.co.nz)
David Bain | … the real story (davidbaindonate.nz)
(1) Bain Family Murders | Was David Bain Innocent? - YouTube
David-Bain-appendices-tabs-A-to-E.pdf (justice.govt.nz)
Familicide Suicide | PDF | Attachment Theory | Domestic Violence (scribd.com)
Documents | David Bain (davidbaindonate.nz)
N¡12-Chocard* (senon-online.com)
Le 23/06/2022
Le 24 novembre 2016, dans la nuit, Sherri Papini est retrouvée au bord d’une route de Californie. Cette jeune femme est portée disparue depuis plus de 20 jours. Nez cassé, cheveux coupés, marquée par des brûlures, portant une camisole de force. Sherri Papini dit avoir été enfermée dans un placard durant tout ce temps et battue quotidiennement par deux femmes de type sud américain.
On est à Redding, Californie, USA.
Au cours de l’enquête, des doutes apparaissent dans le récit de la jeune femme. Mère de famille, mariée, deux enfants, elle part faire un jogging le 2 novembre et disparaît. Son mari, parti à sa recherche, ne retrouve que son téléphone avec ses oreillettes, des cheveux posés à côté.
Les enquêteurs ont l’intime conviction qu’il s’agit d’une mise en scène.
Une cagnotte en ligne est ouverte pour aider à trouver une piste qui permettrait de mener jusqu’à la jeune femme. Un site internet est ouvert et 24h après sa fermeture, Sherri Papini réapparaît. Elle ne donnera pas l’ombre d’une explication ce qui augmentera la suspicion.
Internet est un outil puissant et il existe une grande communauté d’internautes qui savent en tirer partie pour creuser, pour enquêter bien plus rapidement que les autorités.
Certains éléments vont desservir la jeune femme comme le fait que statistiquement, les enlèvements réalisés par des femmes sont rarissimes. On apprend que la mère de Sherri a décrit sa fille, lors d’un appel passé aux autorités en 2003, comme une mythomane qui a besoin d’être hospitalisée. A l’époque, elle se mutilait pour faire chanter sa mère.
En 2017, une nouvelle analyse ADN sur ses vêtements portées lors de l’enlèvement révèle un profil masculin, qui s’avèrera être le complice de Sherri Papini.
Le scénario machiavélique est avoué par la jeune femme, ses blessures elle se les ait infligées avec son complice... Son procès se tiendra cet été.
Après investigation auprès d’un expert psychiatrique - Dr Ian Lamoureux - Sherri Papini s’avère souffrir d’un désordre de la personnalité narcissique.
Pourquoi inventer des mensonges aussi énormes ? Le mensonge est un signe de détresse qu’envoie le menteur à celui qu’il veut berner. Mais pour quelles raisons ?
Le mensonge participe à l’organisation psychologique de l’enfant, ça le structure et il contribue (c’est contre intuitif) à faire le lien entre l’enfant et l’autre. Selon Winnicott, les enfants qui s’attendent à être persécutés tentent de résoudre leur problème par un mensonge subtil consistant à se plaindre sans que cette plainte soit l’objectif réel.
Lorsque l’enfant n’a pas pleinement profité du stade transitionnel, c’est-à-dire qu’il n’a pas su construire efficacement un espace psychique entre le dedans et le dehors. Cet espace transitionnel est là pour rappeler à l’enfant que la personne qui prend soin de lui est près de lui, quelque part, et ça le rassure. Ça fonctionne très bien avec le fameux ours en peluche, le doudou…
Sans cet espace transitionnel efficient, l’enfant conçoit le mensonge comme un facteur d’espoir. En mentant, il oblige l’environnement à le prendre en main pour le rassurer, lui montrer tout l’amour qu’il en attend, dont il a besoin impérieusement. Le mensonge a pour objectif de reconstruire l’aire transitionnelle. Le fait que l’autre tombe dans le panneau va créer le lien narcissique réparateur, ça va rassurer l’enfant menteur (ou l’adulte).
En réalité, c’est un jeu très enfantin comme Winnicott le décrit. C’est la nécessité paradoxale de se cacher pour être trouvé.
La question qui reste en suspens pour ma part est : quelle enfance Sherri Papini a-t-elle eue ?