“Posture familière, (...) surprenante, très sage du bon élève, (...) son attitude révèle un certain mépris pour la candidate, (...) cette position se mue en celle d’un professeur, (...) l’index sur sa bouche intime l’ordre de se taire, (...) désinvolture” sont autant de qualificatifs qui teintent, qui confèrent à l’analyse de la gestuelle d’Emmanuel Macron une certaine subjectivité.
Les quelques analyses que j’ai lues et entendues à propos de la gestuelle d’Emmanuel Macron, suite à son débat face à Marine Le Pen, m’interpellent. Soit elles sont très évasives, dans le ressenti, soit elles vont dans le sens du ressenti commun et retranscrites par les médias c’est-à-dire qu’Emmanuel Macron affichait une attitude méprisante. Mais c’est omettre un peu facilement le contexte, le profil et l’histoire de chacun. Il est nécessaire de qualifier les gestes avec des mots suffisamment précis et neutres pour ne pas céder au ressenti.
Dans ce que j’ai vu durant les trois heures de débat et en tenant compte du contexte… Emmanuel Macron a de l’expérience dans l’exercice du pouvoir. Il a du gérer la crise des gilets jaunes, le COVID, la guerre en Ukraine. Il connaît donc très bien les rouages et la technicité de son statut, que ce soit au niveau national qu’à l’international. Qu’il ait été très précis et très technique dans ses propos ne peut être qu’une évidence. Emmanuel Macron a un profil de dominant, analytique, pragmatique. Il a largement démontré qu’il aimait les échanges avec des personnes partageant ses opinions mais également ceux qui viennent l’interpeller de façon plus âpre. C’est un lettré, il connaît très bien l’économie, il aime expliquer, démontrer, convaincre. Il a été l’ami et l’assistant de Paul Ricoeur (!) ce qui lui donne une assise intellectuelle qui n’est pas à omettre.
Marine Le Pen quant à elle vient avec toute la charge psychologique qu’à imprimé son précédent débat avec Emmanuel Macron. Elle a envie de plaire, elle a un profil plus politique, elle est influente, démonstrative, instinctive, expansive mais elle est aussi la fille de Jean-Marie Le Pen… une personne dominante, imposante, envahissante, impulsive, égotique avec laquelle Marine Le Pen a dû se construire. Il est évident qu’elle ne possède pas les mêmes connaissances opérationnelles qu’Emmanuel Macron. Donc il est aussi normal qu’elle fut plus hésitante, plus approximative.
Durant le débat, le retrait du buste d’Emmanuel Macron avec les bras croisés et les gestes d’auto-contacts ont été largement commentés et phantasmés alors qu’ils participaient à une gestuelle analytique. Il écoutait et analysait les propos de Marine Le Pen et avancait à nouveau son buste pour contre-argumenter.
Je rejoins l’analyse d’Elodie Mielczarek (cf interview d’Apolline de Malherbe) pour qui, Marine Le Pen était comme prostrée face au danger, incapable de réagir. Elle avait une gestuelle de stress de fuite, bougeant beaucoup sur sa chaise, coupant la parole avec une voix montant dans les aigus. Elle a subi à la fois au niveau de la posture mais également dans la syntaxe de ses phrases.
L’arrogance est brandie en accusation devant l’impossibilité de réfuter des arguments difficilement opposables par la raison. Il y a un glissement sémantique de la réflexion vers l’émotion. Le contexte et l’histoire de chacun sont des éléments sur lesquels il faut compter et à ne surtout pas oublier tant ils sont la base d’une interprétation plus froide et plus juste.
Crédits : Charles Platiau, Julien de Rosa - AFP