Franz BRENTANO, philosophe et psychologue autrichien (fin XIXème, début XXème), est connu pour avoir développé le concept d’intentionnalité. Parmi ses élèves, nous retrouvons notamment Husserl, le père de la phénoménologie, rien de moins… Brentano avait mis au cœur de son programme philosophique une théorie des quatre phases de l’histoire de la philosophie.
“Cette théorie prend son point de départ dans l’observation de certaines régularités dans le cours de l’histoire de la philosophie et elle repose sur l’hypothèse que l’on peut identifier, au sein de chacune des trois grandes périodes de son histoire, c’est-à-dire l’Antiquité, le Moyen Age et la Modernité, quatre phases ou moments, la première étant ascendante, et les trois trois dernières marquant son déclin” (D. Fisette).
Ce qui est intéressant avec cette théorie est qu’elle peut également expliquer et mettre en lumière l’évolution d’une tendance. Qu’elle soit vestimentaire, capillaire, verbale ou comportementale, les quatre phases expliquent le chemin parcouru de l’ascension jusqu’à son remplacement par une autre tendance. Je dis “tendance”, mais ces phases fonctionnent avec à peu près tout, y compris les stratégies comportementales basées sur les émotions et sur les comportements qu’il est de bon ton d’adopter lorsque tel sujet est abordé (social, politique, religieux, économique, humanitaire…).
L’ascendance
Au départ, l’intérêt pour une coupe de cheveux, une façon de marcher, de parler et de s’habiller naît au sein d’un groupe identitaire.
Ce fut le cas pour la grosse moustache chez les homosexuels des 80’s, des blousons anglais “harrington” avec polo Fred Perry chez les skinheads, la démarche des rappeurs et le pan de pantalon remonté sur le mollet, la coupe de cheveux de Presnel Kimpembé… et je ne parle pas des tics de langage (“wesh”, “du coup”...) mais c’est encore plus prégnant avec la mode du tatouage.
Chacun de ces tics, chacune de ces tendances est née au sein d’une tribu, d’un groupe spécifique, identitaire puis ont été repris et démocratisés chez les tout-venants.
L’affaiblissement
L’intérêt pour le tic, la tendance, s’affaiblit au sein du groupe identitaire qui va se mettre à la recherche inconsciemment d’un autre signe distinctif. Lorsque le groupe voit que ses signes distinctifs sont un peu trop généralisés, la nécessité de se réaffirmer et de se reconnaître revient.
Évidemment, le précédent tic a été remarqué par le plus grand nombre, démocratisé, d’où une perte de rigueur et de précision quant à sa réelle définition, sa mise en pratique, sa spécificité. Il a perdu de sa substantifique moelle, comme un mot qui sonne creux, vide de sens.
Le tic est tombé dans le tout-venant par l’intermédiaire des réseaux sociaux, les influenceurs (le paroxysme du vide, je ris pardon, peu sont divertissants mais ceux-là s'inscrivent justement dans une démarche de création) et autres manifestations propres à chaque groupe.
La construction de dogmes
C’est à dire une proposition théorique établie comme une vérité indiscutable, autoritaire et normative, par l’autorité qui régit une certaine communauté ou groupe. Le tout-venant s’accapare ces tendances, ces tics et leurs inventent une nouvelle légitimité et paternité. Il spolie en quelque sorte le groupe initial. Chacun peut revendiquer d’être à l’origine du tic, de la tendance.
La dégénérescence
C'est-à-dire la perte des qualités intrinsèques et naturelles des caractéristiques initiales. L’intérêt tombe en désuétude pour le tout-venant qui cherche une autre façon d’exister, de se démarquer, de combler les vides de sa propre existence en reprenant à son compte d’autres expressions, d’autres coupes de cheveux qu’un authentique créatif aura lui, fait naître.
Voilà les quatre phases qui fonctionnent avec TOUTES les tendances dans la plus stricte tradition mercantile, c’est du business pour ceux qui surfent sur la vague ; c’est du social pour ceux qui s’y reconnaissent réellement. Le truc encore plus sophistiqué, mais les marques de cosmétique, de prêt à porter (entre autres) l’ont déjà bien compris, c’est de créer une pseudo-valeur identitaire autour de leur propre marque ou d’une tendance.
Si vous avez un ardent désir de vous reconnaître une identité, c’est légitime, essayez déjà de connaître vos valeurs propres. Il y a un effort d’introspection à faire.
Ensuite il est possible de rechercher quel groupe a en commun vos valeurs. Mon opinion est que trop souvent les individus cèdent à la facilité et ne cherchent pas à se connaître. Ils épousent donc un tic qui semble plaire au plus grand nombre et qu’en soi, ce doit être bon pour eux, pour leur ego… ce sont en réalité de faux-semblants ou biais de conformité.
Mais ce n'est que mon opinion ;-)