serial killer

Jeffrey Dahmer : la recherche pathologique de contrôle

Le 19/08/2022

Jeffrey Dahmer - "le cannibale de Milwaukee" - est l’un des pires serial killers de l’histoire des États-Unis. Il a avoué avoir assassiné 17 jeunes hommes entre 1978 et 1991. Arrêté en 1991, puis condamné à 957 ans de prison, Dahmer a été assassiné dans sa cellule en 1994.

Issu d’une famille bourgeoise, évoluant dans un environnement aseptisé, Dahmer a déménagé à sept ans pour la ville de Bath Township (Ohio). Sa mère était névrosée et toujours énervée. Son père était pharmacien et passait beaucoup de temps à son travail. Aucun d’entre eux ne s’occupaient réellement de lui, ce qui l’a poussé à avoir des jeux solitaires et des “amis imaginaires”. Ses camarades d’école avaient peur de lui. 

C’était un élève intelligent, brillant mais il agissait de façon impulsive. Vers l’âge de huit, la peur des autres et le manque de confiance en lui ont commencé à le perturber suffisamment pour qu’il ne veuille plus aller à l’école. Vers l’âge de 10 ans, son intérêt se porte sur les animaux morts. A 13 ans, il découvre son homosexualité. Sa vie fantasmatique se développe, s’enrichit et prend une tournure pathologique. Dahmer avait un frère plus jeune que lui, David, qui fut l’enjeu du divorce de ses parents, chacun s’en disputant la garde sans se préoccuper de Jeffrey (1978). Sa mère quitta le foyer avec David.

Dahmer a fait face à plusieurs situations potentiellement traumatisantes dans son enfance. L’une d’elles a été son opération d’une double hernie, alors qu’il avait 4 ans. Il était terrifié que son pénis ait été sectionné. 

Jeffrey Dahmer : “(...) I wanted to have the person under my complete control.

Dans cette interview, Dahmer évoque sa volonté de contrôle total sur l’autre. Au moment où il dit cela, il effectue un retrait de sa tête comme pour l’éloigner de ses propres propos. Ce geste traduit une volonté qu’il sait ne pouvoir satisfaire, qui lui échappe, donc qui est hors de contrôle et qui est du ressort psychologique de la pulsion.

Il y a trois principes à la pulsion : un principe de recherche de plaisir (et donc évitement de déplaisir) alors que ce plaisir est toujours satisfait dans le ventre de la mère. Un principe de réalité qui nécessite de s’ajuster au monde extérieur. Il s’agit donc de satisfaire cette pulsion par des voies détournées. Enfin, un principe de constance dans le sens où l’appareil psychique réduit toute excitation au seuil minima (homéostasie), ce qui entraîne par conséquent un passage à l’acte quel qu’il soit. Ce passage à l’acte est ainsi une décharge d’énergie qui va faire baisser la tension psychologique qui vient de l’intérieur de notre organisme (excitation endogène). 

L’interviewer : “d’où vient ce besoin de contrôle ?
Jeffrey Dahmer : “je sentais n’avoir aucun contrôle quand j’étais enfant ou adolescent et ça s’est mélangé à ma sexualité et j’ai fini par faire ce que je faisais, c’était ma façon de me sentir en contrôle total, au moins dans ce cas-là, en créant mon propre monde dans lequel j’avais le dernier mot.

Cette réponse illustre parfaitement son besoin irrépressible du passage à l’acte, sa motivation. Il aurait pu faire du sport qui, par la technicité nécessaire le mette en confiance et ainsi lui faire apprécier qu’il pouvait avoir un contrôle sur un acte. Cependant, Dahmer n’a pas bénéficié d’une attention sécurisante de la part de ses parents, sa mère en particulier à qui revient en tout premier lieu la mise en sécurité et le réconfort de l’enfant.

Au cours de l’interview, Dahmer évoque à plusieurs reprises ce désir de contrôle et systématiquement, ses propos se terminent par une bouche en huître. C'est-à-dire que ses lèvres sont rentrées dans sa bouche illustrant une volonté de garder ses propos pour lui. 
Cette bouche en huître et la façon dont son regard se défocalise consciemment de la relation, c’est-à-dire qu’il y a une rupture volontaire du lien avec l’autre, montrent qu’il se replonge dans ses souvenirs, dans ses actes et qu’il trie/choisit ses mots parce qu’il en a conscience.

0:15 - Bouche en huître lorsqu’il évoque son premier meurtre en 1978 : “j’ai eu l’impression de contrôler ma vie.
0:33 - Position du buste sur la chaise dans une position de fuite (buste en arrière et penché sur sa gauche). Dahmer fait encore une bouche en huître à l’évocation de son second meurtre en 1984.
2:13 - Dahmer se mord la lèvre inférieure après avoir dit “j’avais l’impression que c’était incontrôlable.” 
2:50 - “(...) Leur ethnie n’avait aucune importance, seule leur beauté comptait” dit-il en terminant à nouveau par une bouche en huître.

Lors de l’interview, Dahmer s’exprime essentiellement de sa main gauche, ce qui traduit une certaine spontanéité, une réactivité qui confirme qu’il ne sait pas se contrôler :

0:41 - Dahmer s’exprime avec sa main gauche tandis que sa main droite est simplement posée sur son genou, tenant un gobelet.
1:38 - Micro démangeaison avec son pouce gauche qui vient gratter sa narine droite. Le bras gauche vient donc en travers de son corps, c’est une forme de protection inconsciente. Le fait qu’il ait cette micro démangeaison montre que quelque chose le gêne soit chez son interviewer, soit dans le fait qu’il doive aborder certains évènements et ainsi se dévoiler.
2:23 - Sa main gauche s’active lorsqu’il évoque la place du sexe dans ses passages à l’acte. Ses doigts sont tendus, dressés, bien écartés les uns des autres. Il y a une certaine tension dans ce geste, une tension qui peut aussi s’apparenter à de l’excitation. 

Immaturité sexuelle, sexualité perverse, frustration, passivité, la solitude, la peur de ne pas être acceptée par un monde hostile et un mélange de détachement émotionnel sont rencontrés dans la psychopathologie de la personnalité d'un tueur en série. 
Souvent, comme dans le cas de Jeffrey Dahmer, son ambivalence quant à sa propre sexualité confuse et ses sentiments de rejet provoquent un comportement sexuel sadique, compulsif et destructeur de l'objet de son attention pseudo-sexuelle, la source détestable de son attirance et de son besoin de pouvoir et de contrôle. 

Jeffrey Dahmer était un solitaire dans son enfance, grandissant dans une famille «dysfonctionnelle » en raison de fréquentes disputes entre sa mère et son père conduisant à
sentiments hostiles envers eux. Une mère névrosée et déprimée et un père souvent absent, absorbé par sa carrière, ne lui permettait pas d’identification masculine complète.

Son comportement destructeur et ses souvenirs fétichistes sont l'expression évidente de sa profonde ambivalence vis-à-vis de son propre homosexualité et de sa profonde hostilité/amour mêlés envers les objets de son intérêt. Indépendamment de ses sentiments d'amour exprimés pour elles, ses victimes n'étaient pas traitées comme des personnes mais comme des objets. Il en disposait comme un enfant le fait avec ses jouets, en les démontant pour voir comment ils sont faits mais également pour montrer qui avait le pouvoir, le contrôle de la situation. 

Un ultime acte d'affirmation destructrice !
 


Liens :
(1) Jeffrey Dhamer Interview sous titres FR - YouTube
Jeffrey Dahmer - TUEURS EN SERIE.org
Jeffrey Dahmer: Psychopathy and Neglect (regis.edu)
Destructive Hostility: The Jeffrey Dahmer Case: A Psychiatric and Forensic Study of a Serial Killer (marquette.edu)

 

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