meurtre
Le passage à l'acte criminel en 4 phases
Le 26/05/2024
Si l’on parvient à découvrir les conditions du passage à l’acte, il sera possible de recenser les syndromes de l’état dangereux, ces faisceaux de symptômes qui alertent le criminologue sur la probabilité d’un dénouement délictueux.
Le passage à l’acte n’a que l’apparence de la soudaineté. Le crime n’est qu’une longue patience, résultat d’une morne application quotidienne, souvent inconsciente, du criminel, et d’une conjonction de circonstances funestes. Selon Pinatel, « le crime est la réponse d’une personnalité à une situation ».
Égocentrisme, labilité, agressivité, indifférence affective, tels sont les quatre caractères fondamentaux de la personnalité qui sous-tendent le passage à l’acte.
Lorsqu’ils étudient les facteurs mésogènes, les criminologues font une distinction entre le « milieu du développement », qui influence la formation et l’évolution de la personnalité (la famille, les groupes sociaux, etc.), et le « milieu du fait », c’est-à-dire les situations dans lesquelles est placé le délinquant au moment de son crime. C’est ce milieu du fait qui joue un rôle plus ou moins important dans le déclenchement du passage à l’acte.
Le « milieu » désigne l’ensemble des facteurs extérieurs, matériels et moraux (environnement, climat, cadre), qui entourent et conditionnent un individu. Réciproquement l’individu agit sur son milieu. Par métonymie, le terme est employé comme équivalent de « monde » ou de « groupe social » (classe, famille, profession). Il signale alors la cohérence et la relative clôture d’un groupe, dont les éléments sont soumis à des influences et à des lois communes.
Le processus qui conduit à l’accomplissement de l’acte grave comporte quatre phases principales :
- la phase de 1’assentiment inefficace,
- la phase de 1’assentiment formulé,
- la phase de la crise,
- et le dénouement.
L’élément essentiel de ce processus est le « devenir » du sujet : ce que le criminel est devenu psychologiquement, généralement sans le savoir, devenir qui n’est perceptible que dans une étude portant sur une longue durée, car seule la durée permet de saisir l’évolution ou la stagnation.
L’étape initiale de l’assentiment inefficace est l’aboutissement d’un lent travail inconscient. Une occasion quelconque révèle au sujet « un état souterrain préexistant » : un rêve, la lecture d’un fait divers, une conversation, un film ou toute autre circonstance lui fait entrevoir par une sorte d’association d’idées ce que, sans le savoir encore clairement, il souhaitait vaguement depuis quelque temps, par exemple la disparition de son conjoint, dont il est las. Il accepte alors l’idée de cette disparition possible. Mais la mort de son conjoint est représentée dans son esprit comme un phénomène objectif dans lequel il ne prend personnellement aucune part. La mort n’est pas son œuvre ; il imagine qu’elle puisse résulter de la nature des choses, d’un accident de la route, d’une maladie, d’un cataclysme, d’un suicide... Mais il envisage cette possibilité sans déplaisir : acquiescement encore inefficace, puisque le sujet ne se représente pas encore en tant qu’auteur de ce drame.
Dans la plupart des cas, la velléité homicide très indirecte et très détournée s’arrête là, car l’équilibre est vite rétabli par une réaction morale. Mais quelquefois cela va plus loin. L’assentiment, d’inefficace, devient alors un acquiescement formulé. Tout en continuant à s’efforcer de penser que la disparition pourra s’accomplir sans son concours, le sujet commence à se mettre lui-même en scène en tant qu’adjuvant de l’œuvre destructrice. Mais la progression de cette idée passe par des hauts et des bas. Le travail de dévalorisation de la victime alterne avec l’examen des inconvénients du crime. A ce stade, « un rien peut faire accomplir un bond prodigieux en avant ou susciter une fuite éperdue ». Le crime peut même survenir prématurément au cours de cette période, alors que la préparation du criminel n’est pas complète ou qu’il n’a pas eu le temps ou la hardiesse « de se regarder lui-même ». Une ivresse, une discussion, un événement hors série, une occasion exceptionnelle offerte par le hasard précipitent les choses. C’est ici, note De Greeff, que pourront se situer des actes mal exécutés ou dont l’éclosion apparemment soudaine trompera la justice sur leur véritable signification (processus d’acte subit et irréfléchi). Mais, souvent, le dénouement est précédé d’une crise.
La crise est le signe que l’homme « marche à reculons » vers un acte aussi avilissant qu’un crime. Il ne s’y détermine qu’après une véritable « agonie morale ». Il faut qu’il se mette d’accord avec lui-même, qu’il légitime son acte. Plus il est « stabilisé dans des pratiques morales lui enjoignant la réprobation d’un tel acte, et plus il lui faudra de temps pour s’adapter à cette déchéance ». Quelques criminels cependant, pour surmonter cette pénible crise, s’imposent à eux-mêmes un processus avilissant « en se créant une personnalité pour qui le crime ne soit plus une chose grave et tabou ».
Après le dénouement, on constate généralement un changement d’attitude. Le délinquant, qui se trouvait auparavant dans un état d’émotivité anormale va manifester, selon les cas, un soulagement, des regrets, de la joie ou de l’indifférence. « Toute la personnalité du criminel se trouve condensée à ce moment-là. »
La réaction d’indifférence ou de désengagement, si bien décrite par De Greeff, se rencontre chez les criminels qui, ayant longuement vécu la préparation psychologique de leur acte, considèrent le résultat comme une conclusion logique de leur projet. Ils ont fait ce qu’ils voulaient accomplir et ils n’éprouvent pas le besoin de dramatiser davantage.
Sources :
Mathilde Barraband, « Milieu », dans Anthony Glinoer et Denis Saint-Amand (dir.), Le lexique socius, URL : http://ressources-socius.info/index.php/lexique/21-lexique/34-milieu
Meurtre de Bastien, 3 ans
Le 08/09/2015
Voici le lien vers la vidéo de l’interview de la mère de Bastien, mort après avoir été placé dans une machine à laver en fonctionnement durant 1heure. Sa mère est poursuivie par la Cour d’Assise de Melun pour complicité de meurtre.
La vidéo dure un peu plus de 4 minutes, en extérieur, je n’ai pas d’indice visuel qui me porte à croire que l’image a été inversée par le réalisateur (ce qui fausserait une partie des items, notamment celui du regard).
Ma question qui est ma base d’analyse est : quel a été le rôle effectif de la mère ? A-t-elle eu un comportement actif ou passif face à l’horreur commise par son compagnon sur la personne de son fils ?
6 sec. : je remarque au préalable un hémi visage gauche plus contracté, plus tendu que le droit que je trouve pour le coup moins expressif. Pour rappel, l’hémi visage gauche renvoie à ce qui est de la sphère personnelle et le droit à ce qui est de la sphère extérieure.
Je remarque également que son épaule droite est plus haute que la gauche, ce qui traduit un désir de séduire la caméra (les jurés ?).
13 sec. : « je suis rentrée de l’école avec les 2 petits… » dit-elle avec le regard bien en face de la caméra alors qu’on pourrait s’attendre à un regard en Passé Emotionnel (dirigé vers le bas à gauche). On pourrait s’attendre également à ce que son visage soit plutôt baissé, alourdit qu’il serait par le poids de la tristesse… mais non.
20 sec. : elle a des propos retenus avec la bouche pincée, les lèvres vers l’intérieur. La mère sort une langue de « délectation » ou de « vipère »… ? elle en fera encore beaucoup d’autres au cours de l’interview. Vous remarquerez également qu’elle cligne très très peu des paupières, environs 10 par minutes alors que la moyenne (hors stress positif ou négatif) est de 20 clignements par minutes. En phase de stress, vous multipliez par 2,5 le nombre de clignements par minutes… elle en est très loin !
38 sec. : « il a pris le petit pour l’amener dans la salle de bain, je pensais que c’était pour lui faire prendre une douche. » Son regard est en Futur Cognitif… elle construit sa réponse alors qu’elle devrait se rappeler avec son regard dirigé en Passé Emotionnel. Ce n’est pas cohérent.
1’24 : sur le mot « aider » en référence à son statut de complice, la mère fait à nouveau une (ROBLO) langue de « délectation » ou de « vipère ».
1’30 : « j’ai tenté de sauver mon fils » dit-elle mais elle ferme tout de suite la bouche. C’est ce que nous faisons lorsque nous ne souhaitons pas en dire d’avantage de peur de faire des révélations malencontreuses. A la place des avocats, je questionnerais plus en détails à ce propos.
1’40 : « pendant 1h, qu’avez-vous fait ? – j’ai essayé de sauver mon fils » fait-elle avec une micro démangeaison de son index droit en N3P2 (narine extérieure gauche). Cette micro démangeaison traduit un décalage entre ce qu’elle « voit » et ce qu’elle « sent » (au niveau personnel). A la place des avocats, je questionnerais également beaucoup sur ce point.
1’43 : regard en Futur Cognitif sur « enlever de la machine », ce regard est encore incohérent.
1’54 : « que la vérité sorte » dit-elle avec une nouvelle langue de « vipère » ou de « délectation » (désolé je n’arrive pas à me positionner sur ce point).
2’ : « il faut qu’il puisse dire la vérité (son compagnon) », avec une bouche en « huître » qui indique des propos retenus.
2’14 : nouvelle langue de « vipère/délectation » avec un regard en Passé Cognitif sur « oui, mon compagnon était souvent violent avec lui ». Pourquoi en Cognitif et non en Emotionnel. Avec un tel drame qui est arrivé à son propre enfant, je suis très étonné du manque d’émotivité de cette mère.
2’28 : « c’était pas tous les jours qu’il le tapait » dit-elle avec le regard à nouveau en Futur Cognitif… elle construit à nouveau sa réponse. Il faudrait se demander à ce stade de l’interview si son but n’est pas de « charger » son compagnon ? Néanmoins les dents du bas sont visibles et traduisent de la peur, ainsi je suis certain que cette peur est dirigée vers lui et elle est sincère (pour le coup).
2’31 : « presque tous les jours » avec une bouche en huître qui vient clore la phrase toujours dans l’optique d’en dire le moins possible.
2’43 : « il reproduisait ce que son père faisait à la maison » fit-elle avec son regard dirigé vers la caméra (c’est la 2nde fois). Ce n’est pas sans rappeler un réel désir de vérifier si ce qu’elle dit a un impact sur le spectateur… (n’est-ce pas Mr Clinton…).
2’57 : visiblement la mère est mal à l’aise lorsqu’elle évoque sa fille. Sa main droite nous indique qu’elle contrôle son discours alors que sa main gauche s’entortille avec son sac, trahissant un fort inconfort.
3’20 : « vous étiez heureuse ? – non » et un vrai « non » fait de la tête dont le mouvement s’initie bien sur sa gauche.
3’21 : amusez-vous à scinder l’écran en 2, au niveau du nez et sur l’horizontal. Cacher le bas, le haut exprime la peur. Cacher le haut, le bas exprime la joie avec un sourire… feint bien sûr.
Quel rôle la mère de Bastien a-t-elle tenu au moment du drame ?
Son langage non verbal laisse apparaître beaucoup d’incohérences avec son discours. Tout n’est pas dit, encore moins la vérité quant à son action réelle. S’il est primordial que les avocats la questionnent plus dans le détail que cette interview ne le fait, je suis très étonné du manque d’émotivité qu’elle laisse transparaître face au meurtre abjecte de son fils. Cependant, la peur qu’elle ressent face à son compagnon violent l’a certainement empêchée de jouer un rôle plus actif dans la tentative de sauver son fils. Ainsi, nous comprenons mieux son désir de « séduire » la caméra (les jurés) et de vouloir « charger » son compagnon.