Affaire Mazan : profil de Dominique PELICOT

Le 14/09/2024 0

Comment en vient-on à violer et à faire violer sa femme ?

Un passage à l’acte criminel est une articulation multiple et réciproque impliquant le sujet (le criminel), son histoire de vie, son mode de fonctionnement psychique, ses relations interpersonnelles et son environnement social ; selon un axe de la position subjectivée de l’auteur, un axe du mode opératoire et un axe environnemental.

L’agir violent/criminel est une réponse à une excitation (psychique). C’est une des voies possibles de recours qui cherche à donner forme à des expériences (donc issues du passé) traumatiques, figées et non subjectivées. Subjectiver ça veut dire intégrer l’expérience traumatique et travailler dessus afin de pouvoir la dépasser et reprendre sa vie normalement mais avec cette expérience vécue.

La répétition du traumatisme (passé et non « digéré ») par un passage à l’acte (agir) violent répéterait également l’échec de sa subjectivation, de son élaboration. Le passage à l’acte est alors vu comme le seul moyen rapide et peu gourmand en effort et offrant une issue favorable à la tension (psychique) et donc un retour à l’équilibre psychologique (principe d’homéostasie) salvatrice.

Nous pouvons donc constater une pauvreté des capacités de représentation, de symbolisation et de déplacement de la part de ce type de criminel.

Dans une perspective freudienne, il existe deux modes de jouissance qui traduisent la peur d’anéantissement et le sentiment de toute puissance :

  • Le stade anal précoce dont l’érotisme anal est lié à l’évacuation et la pulsion sadique à la destruction de l’objet,
  • Le stade anal tardif dont l’érotisme anal est lié à la rétention et la pulsion sadique au contrôle de l’objet.

Ceci explique la nature caractérielle de ce type de criminel. Pour Bergeret, le « bon » objet dans le transfert dépressif (c’est-à-dire que l’individu transfert chez l’autre son état d’angoisse) est un objet (terme psychologique : comprendre là, une personne) pouvant être gratifiant, rassurant et un objet pouvant être menaçant concomitamment.

 

Mais comment un tel pervers peut-il passer sous les radars, même de sa propre famille ?

Pour Bergeret, il y aurait juste assez de fantasmes pervers discrets pour obtenir le plaisir en trompant le vrai plaisir du « ça » (le « ça » est une instance psychologique qui représente les pulsions de l’individu) par une réalisation demeurant d’allure sexuelle banale sur le plaisir manifeste.

Ces pseudos réponses aux pulsions sexuelles opéreraient une tricherie semblable, parallèle et complémentaire en mystifiant les objets (comprendre les personnes), ou même les simples observateurs extérieurs, dans la mesure où leur serait caché le véritable détonateur pervers du plaisir obtenu. Donc, ces petites accommodations sexuelles entre adultes consentants restent entre quatre murs et les apparences sont sauvées.  

Ce caractère pervers, car il s’agit bien de cela et non de « perversité » au sens psychiatrique du terme (paraphilie), repose/correspond à un fonctionnement non pathologique basé sur une organisation mentale perverse de type narcissique-phallique sans avoir besoin de passages à l’acte impliquant des éléments pervers.

Donc, sous couvert d’une vie relationnelle en apparence sans grand conflit et sans grand bruit, une vie normale, grâce d’une part à des choix de personnes (victimes) qui s’y prêtent et grâce aussi à un pourcentage d’éléments sadiques et partiels suffisants pour permettre un jeu sexuel manifeste adapté aux conditions extérieurs dites « normales », le pervers de caractère peut aisément passer une vie relativement tranquille et être vu comme « le bon père de famille » (peut-être faut-il interroger l’intimité de la conjointe, le récit de son intimité pourrait bien modifier la vision idéalisée du « bon père de famille »). C’est un peu le : « dis-moi comment tu baises, je te dirai qui tu es ! »

Le pervers narcissique a donc besoin d’une « complice à ses dépens », naïve, candide, crédule pour pouvoir décharger ses tensions psycho-sexuelles et pouvoir toujours se voir grandiose. Au début de cette dynamique, le pervers va utiliser des moyens assez simples à mettre en place ou à pratiquer. Ce sont des attouchements, des caresses volées, des actes sexuels (sur partenaires consentantes) appuyés voire brutaux pour aller crescendo au fur et à mesure du développement de sa confiance en lui.

C’est ce qu’il s’est passé avec Dominique PELICOT. On n’en vient pas à ces pratiques extrêmes sans s’être un peu exercé, ni sans avoir développé un modus operandi bien carré ! Cependant, on oubli trop souvent ce fameux « grain de sable » qui vient casser cette belle machine.

Le sujet criminel se contente de dénier à l’autre le droit de posséder son propre narcissisme. Les objets, les autres personnes dont le pervers se sert pour assouvir ses besoins, ne peuvent posséder d’individualité concurrentielle qui ne serait pas centrées sur le pervers lui-même, possessif, intransigeant et exclusif dans ses exigences affectives.

Tout doit être pensé pour lui seul. Les autres sont destinés obligatoirement à compléter son narcissisme défaillant au prix de leur propre narcissisme. Le pervers tient son objet (l’autre) dans une étroite relation anaclitique (forte dépendance) entre sadomasochisme et narcissisme. Il y a une totale absence de souffrance et de culpabilité qui tient à un Surmoi (votre « père fouettard » intérieur) inopérant et à un Moi (instance psychique à laquelle se rattache la conscience et qui communique avec le monde extérieur) faible qui ne peut éviter que les pulsions ne passent par le passage à l’acte (agir). Se pose également le problème de gestion de la frustration…  

 

Mais pourquoi un passage à l’acte si tardif ?

Nous sommes dans une organisation névrotique avec un mode de défense principal de refoulement. La relation à l’objet (à l’autre) est avant tout génitale et sadique. Il n’y a de place ni pour la pitié, ni de plaisir par le sujet lui-même de la souffrance de l’autre. Seule la satisfaction directe de la pulsion entre en ligne de compte.

Bergeret souligne qu’au moment de la sénescence physique, intellectuelle, sociale ou affective, il peut survenir un accès pathologique dramatique, brutal, inattendu, très grave. Cet accès pathologique se déclenche sans traumatisme apparent car la sénescence à elle seule peut constituer ce traumatisme. C’est la décompensation de la sénescence.

La perversion peut se constituer qu’à un moment de la vie. Racamier dit que pour pleinement accomplir une perversion narcissique, il faut à la fois en avoir la nécessité profonde mais également l’opportunité. Le pervers de caractère va donc créer/construire tout au long de sa vie, ou à un moment angoissant de sa vie, ces conditions nécessaires à un passage à l’acte violent.

La perversion de caractère n’est pas accompagnée de trouble sexuel. C’est un moyen de faire l’économie d’un travail psychique et de le transférer sur quelqu’un d’autre. Eiguer dit que le Moi grandiose cache un sentiment d’infériorité et de dépendance excessive vis-à-vis de l’admiration et des approbations extérieures. Le pervers de caractère va donc nourrir son amour propre en se servant de l’autre qui est ainsi vu comme un « non-objet » ou un « non-individu » érotisé.

Sans l’autre, il n’est plus rien !

 

Lien vers la vidéo qui montre l’intervention du vigile qui a remarqué la caméra cachée dans une sacoche de Dominique PELICOT. Grâce à son intervention et à son sens de l’observation, il a permis son arrestation :

Viols de Mazan : la vidéo qui a permis de révéler l'affaire (francetvinfo.fr)

 

Dominique pelicot pervers narcissique

 

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