Je pense qu'il est intéressant de reposter mon article qui date de l'époque des faits. Article dans lequel j'analysais la gestuelle de l'accusé en mettant en exergue certains items non verbaux. Mon analyse était complétée par des éléments psychologiques qui aujourd'hui trouvent un fort écho par les révélations de l'accusé.
Je poste également les derniers échanges entre JD et sa belle-mère, Isabelle Fouillot, fait rarissime dans un procès. JD confirme la détresse psychologique dans laquelle il était, la force de caractère d'Alexia, la situation conflictuelle autour d'un couple en perdition, un enfant désiré par l'une et non par l'autre et malheureusement, la cocotte minute qui explose.
Le gendre idéal : Jonathann Daval !
Le 03/02/2018
Comment le gendre idéal a-t-il pu berner tout le monde ?
La question aurait pu se poser autrement : comment Jonathann Daval a-t-il pu mentir à tout le monde ? Mais d’ailleurs, a-t-il vraiment menti ? A-t-il caché une partie de la vérité ? A-t-il joué une sombre et cynique comédie ?
Se pose alors la question de l’authenticité et des signes qui permettent de la reconnaître. Lorsqu’une personne montre une émotion qu’elle ressent réellement, on s’attend à voir des épaules hypotoniques ou hypertoniques comme dans la tristesse ou la colère. On s’attend à une augmentation des clignements des paupières, des mouvements de bouche mais également à des gestes effectués avec les mains plus ou moins proches du corps.
Dans le cas de JD, seul le visage (d’après les vidéos que j’ai visionnées) nous apporte des éléments de réponse. Et au final, et évidemment renforcé par ses aveux, il s’agit d’un « mensonge vigilant », c’est-à-dire que JD doit en dire le moins possible afin que le peu d’informations verbales et non verbales extériorisées ne puissent lui être retournées. Il est donc confronté à une double contrainte : laisser s’extérioriser sa tristesse mais en en montrant le moins possible.
Avant d’analyser la vidéo et de vérifier s’il y a une émotion sous-jacente, il est important de rappeler les éléments connus.
Quels sont les éléments contextuels ?
D’abord JD affiche un physique petit, fluet, quelques rides sur le front, des sourcils peu mobiles, une coiffure branchée. JD apparaît comme une personne timide voire introvertie, il est informaticien, il est supporté par le père de sa femme lors des différentes sorties filmées. Il est à mille lieux d’un physique à la Charlton Heston et apparaît même efféminé…
JD a rencontré sa femme au lycée et il dit qu’ « elle a changé sa vie (…), qu’elle est une complice délicieuse » (Ouest-France). Elle avait 29 ans, était employée de banque, joggeuse donc active et énergique.
L’enquête a révélé une relation conflictuelle depuis quelques temps, avec des disputes que les voisins qualifient de crises hystériques, puis des échanges de SMS qui révèlent des propos violents de la part d’Alexia et enfin, une difficulté à concevoir un enfant (ce qui ne manque pas de créer des tensions, voire de les exacerber si elles étaient déjà existantes).
Meurtrier et triste à la fois ?
A l’analyse de la vidéo, il n’est vraiment pas aisé de se rendre compte que JD est l’auteur de ce crime sordide, cependant, quelques items peuvent être sujets à caution.
JD est authentique parce qu’il ne feint pas la tristesse. Elle est lisible sur toutes les images quand son hémi visage gauche est plus crispé que le droit (4 min. 05), avec les bords extérieurs de la bouche tombants, le menton qui se « froisse », ce ne sont pas des mimiques que l’on peut feindre facilement. Ses larmes sont bien là aussi. Les épaules sont hypotoniques, aucune des deux épaules n’est plus haute que l’autre donc il n’y a pas d’enjeu personnel, pas d’envie de performer. Les clignements d’yeux sont biens présents et même très (trop ?) appuyés, le chagrin éprouvé nécessite même l’ouverture de la bouche pour une meilleure oxygénation, on voit JD souffler souvent pour évacuer cette profonde tristesse. Son regard défocalise souvent mais de manière passive (4 min. 17 ; 4 min. 40 ; 5 min. 32), ce qui va dans le sens d’une authenticité. Par contre, nous ne voyons jamais de mouvement ni des bras, ni des mains, aucune micro démangeaison… mais JD est une personnalité timide et introvertie, voyez sa bouche souvent fermée (4 min. 17), son regard se baisse pour rentrer dans sa bulle (4 min. 44) ce qui est cohérent avec sa gestuelle économe.
Cependant, quelques items viennent parasiter le message…
A 4 min. 41, la bouche de JD se ferme en « huître » signifiant que des propos sont retenus, ce qui semble anachronique, d’autant que la langue sort pour rentrer immédiatement confirmant cette envie de ne pas dire.
A 5 min. 47, JD a une déglutition marquée alors que je n’en ai pas vu précédemment et à nouveau sa langue qui sort pour rentrer immédiatement.
Enfin, et c’est pour moi le moment « clé » de ces items, à 5 min. 48, JD a une moue d’agacement, de circonspection avec une mise à distance des autres sur la phrase prononcée par sa belle-mère : « cette marche que nous souhaitons silencieuse… ».
Comment expliquer ce hiatus ?
Je me permets une ou deux remarques qui pourront jouer un rôle dans l’explication. Le couple formé par JD et AD ressemble fortement à celui des parents d’AD. La mère est sur le devant de la scène, c’est elle qui parle, elle occupe une fonction de conseillère municipale, c’est donc une femme de pouvoir, alors que le père ne parle pas, il est effacé et soutient physiquement son gendre.
Le couple JD / AD habite dans la maison des grands-parents d’AD, ce n’est pas un bien acquis en commun (et alors me direz-vous ? J’y viens…).
JD a connu sa femme très jeune, au lycée, il dit qu’elle a changé sa vie, il est ainsi entré dans un processus d’idéalisation de sa femme, objet de son surinvestissement émotionnel. Le but étant de réparer évidemment un ego en berne, non valorisé et une faible estime de soi.
Cette idéalisation permet d’éviter la dépression mais qu’en est-il lorsque l’objet idéalisé souhaite vous quitter ? Si cela se réalisait, JD se serait retrouvé sans maison, sans femme, sans enfant promis et surtout, seul face à son narcissisme blessé et donc anéanti dans le sens le plus complet.
Malheureusement statistiquement, les hommes ont une fâcheuse tendance à passer à l’acte contre celle qui les menace de partir.
L’idéalisation fixe le couple dans un système non viable à terme, qui ne peut qu’imploser dès lors qu’un élément perturbateur vient mettre son grain de sable dans la machine d’un équilibre précaire. En particulier ici, le désir d’avoir un enfant est une difficulté dont, on peut facilement l’imaginer, chacun peut reprocher le tort à l’autre (je vous rappelle que AD est plutôt affirmée alors que JD est efféminé) et là, à chacun sa méthode… c’est ce qu’attestent les crises d’hystérie relatées par les voisins.
A mon humble avis, et là où JD ne pourra pas faire croire à la thèse de l’accident (un étranglement ne prend rarement que quelques secondes…), c’est qu’il avait conscience de ses actes et que le déni affiché lors de la conférence de presse et lors de la marche blanche n’a pas tenu face à la cruelle et sordide réalité.
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Lien vers l'article du Figaro : https://www.lefigaro.fr/actualite-france/tu-ne-l-entendras-plus-tu-as-gagne-elle-s-est-tue-a-jamais-le-dialogue-surrealiste-entre-jonathann-daval-et-la-mere-d-alexia-20201120?utm_source=CRM&utm_medium=email&utm_campaign
«Je te souhaite un bon séjour en prison. Adieu» : les mots de la mère d'Alexia à Jonathann Daval
SUIVI D'AUDIENCE - Le président de la cour d'assises a laissé Isabelle Fouillot s'adresser directement à l'accusé.
Par Aude Bariéty
Le Figaro retranscrit le dialogue qui a eu lieu ce vendredi 20 novembre devant la cour d'assises de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort, qui juge Jonathann Daval pour le meurtre de son épouse. Isabelle Fouillot, la mère d'Alexia, a longuement questionné son gendre. Un moment rarissime, les parties civiles ne s'adressant normalement pas directement à l'accusé lors d'une audience.
Isabelle Fouillot : Tu as regardé les images [de la confrontation, NDLR] ?
Jonathann Daval : Pas tout le temps.
Isabelle Fouillot : Pourquoi tu ne les as pas regardées ?
Jonathann Daval : Ça fait très mal.
Isabelle Fouillot :Tu as dit que tu as tout perdu, c'est quoi «tout perdu» ?
Jonathann Daval : Alexia, vous, mes parents, ma vie…
Isabelle Fouillot : T'avais peur qu'Alexia te quitte ?
Jonathann Daval : Non.
Isabelle Fouillot : Alors pourquoi t'es pas venu nous voir nous dire «Ça va pas» ? On aurait pu faire quelque chose, on n'était au courant de rien.
Jonathann Daval : J'en ai parlé à personne. On ne pouvait pas parler de nos problèmes de couple.
Isabelle Fouillot : On était là pour vous deux de toute façon, j'arrive pas à comprendre encore aujourd'hui. On a encore que des bribes de vérité, s'il te plaît aujourd'hui lâche toi, s'il te plaît, tu sais que c'est la dernière fois que je te vois, qu'on se parle tous les deux. Écris-le moi si tu veux, mais j'ai besoin de savoir, tu peux comprendre ça, j'ai besoin d'avoir la vérité.
Jonathann Daval : C'est une dispute, la dispute de trop, les mots de trop… Les reproches, tout ce qui est accumulé…
Isabelle Fouillot : Alexia te demandait de revenir vers elle, c'était des appels au secours qu'elle te lançait.
Jonathann Daval : J'ai pas compris tous ses messages.
Isabelle Fouillot : On a l'impression que tu veux tout mettre sur Alexia!
Jonathann Daval : Non j'ai eu mes torts aussi.
Isabelle Fouillot : Dis nous la vérité !
Jonathann Daval : Eviter les conflits, éviter les disputes…
Isabelle Fouillot : Elle te demandait juste de parler !
Jonathann Daval : Il y avait des reproches, plein de choses.
Isabelle Fouillot : Tu te rends compte que tu nous as pris Alexia, que nous on t'a donné notre amour, on t'a toujours aimé et tu nous as tout pris, tu nous as accusés de meurtre. Pourquoi ? Pourquoi t'as fait ça ?
Jonathann Daval : Je voulais fuir la situation, encore fuir.
Isabelle Fouillot : Tu te fichais d'Alexia ?
Jonathann Daval : Non on s'aimait, je l'aimais...
Isabelle Fouillot : Ne me dis pas que tu l'as tuée pour quelques mots, c'est pas possible ?
Jonathann Daval : Elle m'a retenu, j'ai pas pu partir, j'ai pas pu m'enfuir, j'ai perdu pied.
Isabelle Fouillot : Un être raisonné aurait repris ses esprits après un premier coup…
Jonathann Daval : Tout est ressorti, ces années de colère, tout ce que j'ai emmagasiné...
Isabelle Fouillot : C'était quoi la finalité de la tuer ?
Jonathann Daval : Qu'elle se taise.
Isabelle Fouillot : T'es heureux maintenant qu'elle se soit tue ?
Jonathann Daval : Non.
Isabelle Fouillot : Tu ne l'entendras plus, tu as gagné. Elle s'est tue à jamais. Il y a une petite fille dans la famille maintenant, qui ne connaîtra jamais sa tata. Quel gâchis...
Jonathann Daval : J'ai tout détruit.
Isabelle Fouillot : Je voudrais la raison!
Jonathann Daval : C'est une dispute Isabelle, il faut le croire.
Isabelle Fouillot : Pourquoi vous avez pas divorcé?
Jonathann Daval : C'était pas concevable, on n'en a jamais parlé.
Isabelle Fouillot : Est ce que t'as quelque chose à me dire?
Jonathann Daval : Je suis désolé pour tout.
Isabelle Fouillot : C'est bien peu, Jonathann, j'en attendais plus... Je te souhaite un bon séjour en prison. Adieu.